lundi, août 22, 2005

Bibliothèque



Un grand merci à Sylvain Gay pour cet article ! Visitez son blog : Urgesat

L' ECOLOGISTE SCEPTIQUE de Bjorn Lomborg
Sous-titre : Le véritable état de la planète.
Le Cherche Midi (2004).
Edition originale danoise : « Verdens Sande Tilstand » (1998).
Edition anglaise révisée : « The Skeptical Environmentalist » (2001).
Traduit de l’anglais par Anne Terre.
Préface de Claude Allègre.

Après une annonce prématurée en janvier, le très attendu livre de Bjørn Lomborg est enfin sorti en français en mai dernier.
La parution de cette édition (assez laide, il faut bien le reconnaître) est un événement car il s’agit d’une somme de plus de 700 pages dans laquelle l’auteur passe en revue quasiment tous les problèmes contemporains liés à l’environnement.

Bjørn Lomborg est danois. Il est professeur de statistiques à l’université d’Aarhus au Danemark. Il a un jour de 1997 décidé de vérifier avec ses étudiants les affirmations de Julian Simon de l’université de Maryland qui disait que la plupart de nos connaissances concernant l’environnement sont inexactes ou biaisées. A sa grande surprise, Lomborg s’est rendu compte que Simon avait raison et que ce que nous croyons savoir de l’environnement est au mieux approximatif quand ce n’est pas carrément faux. Ce livre est donc le résultat de cette recherche.

La méthode de Lomborg est simple : ne pas se contenter des affirmations courantes disant que tout va de plus en plus mal mais aller voir de près les statistiques et les études disponibles sur une sujet donné et les confronter entre elles. Méthode simple mais minutieuse et dévoreuse de temps : ce livre est le résultat de plusieurs années de travail et comporte plusieurs milliers de références.
Comme l’édition originale date de 2001, Lomborg a utilisé les données disponibles en mai 2001. La traduction française arrive avec un décalage de trois ans mais il y a peu de raisons de penser que les choses ont beaucoup changé dans ce laps de temps.
La force de ce travail est de s’appuyer sur les statistiques officielles d’organismes émanant de l’ONU comme la FAO, l’OMS, le PNUD, etc. ou d’autres organisations internationales comme le FMI, la Banque mondiale, l’OCDE ou l’UE. Ces renseignements sont complétés par des statistiques émanant des ministères de différents pays. Lomborg explique page 61 que ces chiffres sont ceux que tout le monde utilise y compris les organisations écologistes comme Greenpeace ou le WWF car « il n’en existe pas d’autres ». Sur chaque problème et à chaque fois qu’il le peut, l’auteur précise l’évolution et la situation au niveau mondiale et ne se focalise pas sur les données locales qui ne sont que rarement représentatives.

On peut partager l’ensemble de ce livre en deux parts inégales :
- d’une part presque tout le livre apparemment assez consensuel puisque peu attaqué et peu critiqué par les « environnementalistes » ;
- d’autre part la centaine de pages (sans les notes) consacrée au réchauffement de la planète sur laquelle se sont focalisées les polémiques et les commentaires.

Les thèmes du premier groupe bien que délaissés par les médias sont pourtant bien intéressants. Lomborg soutient et démontre de façon convaincante successivement que la surpopulation en tant que telle n’est pas un problème (la plupart des pays ayant une forte densité de population sont en Europe, page 94), que l’humanité n’a jamais été aussi bien nourrie (même si 18% de la population mondiale ne mange pas encore à sa faim, chiffre qui n’a jamais été aussi bas, cf chapitre 5) et qu’il n’y a pas d’inquiétude à avoir pour nourrir la population dans l’avenir (chapitre 9).

Plusieurs chapitres sont également consacrés aux supposées pénuries qui nous menaceraient dans un futur plus ou moins proche.
Le cas du pétrole est exemplaire (chapitre 11). En 1920, il y avait pour 10 ans de consommation de réserve estimée. En 1960 et alors que la consommation était bien plus importante, les réserves s’élevaient à près de 40 ans. En l’an 2000 donc, tout le pétrole aurait dû être épuisé. Or les chiffres des réserves estimées en l’an 2000 sont toujours de 40 ans alors que la consommation a encore beaucoup augmentée... Le problème des catastrophistes est qu’ils ne prennent pas en compte l’ingéniosité humaine qui se traduit notamment par le progrès scientifique et technologique. Des gisements inaccessibles il y a dix ou vingt ans sont aujourd’hui exploitables et rentables. Aujourd’hui encore on ne peut extraire qu’environ un tiers du pétrole présent dans un gisement, il y a encore des progrès à faire...

La situation est similaire en ce qui concerne d’autres sources d’énergie comme le charbon (230 ans de réserve) ou le gaz (60 ans de réserve). Lomborg examine également le cas des énergies dites renouvelables que sont l’énergie solaire et l’énergie éolienne et pense qu’elles deviendront réellement compétitives vers le milieu du siècle. Et puis il y a aussi l’huile de schiste (dont on pourrait extraire l’équivalent de 250 fois la production actuelle de pétrole) et le nucléaire (il reste de l’uranium pour 14 000 ans). Bref, pas de crise de l’énergie en vue...

L’énumération pourrait ensuite devenir fastidieuse car Lomborg examine ensuite (chapitre 12) les ressources non énergétiques comme le ciment, l’aluminium, le fer, le cuivre ou l’azote (liste non limitative). Le seul élément dont les réserves ont réellement baissé est le tantale qui est utilisé dans l’industrie aéronautique. Toujours pas de quoi mettre une civilisation à genoux.
Même les ressources en eau apparaissent largement nécessaires au développement pour peu que les prix reflètent le coût réel. Beaucoup de pays subventionnent l’eau fournit aux agriculteurs par exemple ce qui entraînent gaspillage et mauvaise gestion.

Plusieurs chapitres du livre sont consacrés à la pollution et tous les chiffres montrent qu’elle est en baisse dans les pays développés. Le modèle est que la pollution augmente dans les premiers temps du développement économique. A un certain stade, l’environnement devient une préoccupation importante et le progrès technologique aussi bien que le désir de la population provoque un contrôle progressif et une baisse de la pollution.

Il y a quand même un chapitre qui ne parle pas du réchauffement climatique et qui a déclenché quelques polémiques, c’est le chapitre 10 qui est consacré à la forêt. Croire que la forêt diminue en taille est un article de foi très fort chez les environnementalistes. Je me souviens des cris d’horreur qu’ils avaient poussés il y a une quinzaine d’années quand un rapport officiel avait conclu qu’en France la forêt s’était étendue depuis le XIXè siècle... Rien de nouveau donc quand Lomborg explique que la situation est loin d’être catastrophique y compris en ce qui concerne les forêts tropicales. Le constat a déjà été fait et il est simple : là où les forêts sont essentiellement privées, elles sont correctement gérées et ont tendance à s’étendre ; là où elles appartiennent à l’Etat, elles sont mises en coupe réglée, gérées n’importe comment et ont tendance à diminuer.
Un problème lié à celui-ci est la menace qui pèserait sur la biodiversité (chapitre 23). Les scientifiques ne savent pas, même approximativement combien il y a d’espèces vivants sur Terre. Beaucoup d’espèces tropicales annoncées comme disparues sont par la suite retrouvées bien vivantes. Les estimations du nombre d’espèces disparaissants chaque année à cause de l’activité humaine sont donc à prendre avec de grandes pincettes. Un chiffre donné couramment est celui de 40 000 par an. Le célèbre biologiste américain E.O. Wilson avance le chiffre de 100 000 espèces par an. Le problème avec Wilson, pour qui j’ai par ailleurs beaucoup d’admiration, est que son seul argument est « croyez-moi sur parole » ! Pas très scientifique comme attitude... En partant des observations réelles, certains chercheurs arrivent à un taux d’extinctions de 0,7% sur cinquante ans, essentiellement constitué par des disparitions d’insectes et autres invertébrés, ce qui change quand même pas mal de choses.

Comme je le disais plus haut, la plupart des critiques et des attaques contre ce livre se sont focalisées sur le chapitre 24 qui est consacré au réchauffement de la planète. Bjørn Lomborg ne nie pas ce réchauffement et pense que l’homme y est pour quelque chose. La discussion est assez technique car il examine les scénarios élaborés par le GIEC ( « Groupe International d’Experts sur le Climat », en anglais « IPCC », un « machin » mis en place sous l’égide de l’ONU) qui tentent de simuler par ordinateur l’évolution future du climat en faisant varier certains paramètres. La modélisation est très difficile et certains phénomènes ne peuvent pas être rendu de façon totalement satisfaisante. Il est difficile en outre de prévoir ce que sera le futur et pourtant c’est sur cette base bien fragile que sont ou seront prises beaucoup de décisions politiques à commencer par les trop fameux accords de Kyoto...
La position fondamentale de Lomborg est que les estimations du réchauffement à venir sont toujours exagérées. Seules les estimations les plus hautes sont citées dans les médias et par les politiques alors qu’elles sont les plus improbables. Par ailleurs, les mesures proposées par les environnementalistes coûteront très cher pour un résultat insignifiant à l’exemple de Kyoto qui dans leur esprit n’est qu’une première étape. Lomborg pense que le développement économique rendra l’adaptation à la hausse des températures plus facile et que les ressources disponibles aujourd’hui seraient mieux employées dans l’aide aux pays en développement ou dans la lutte contre le sida. Je ne suis pas d’accord sur ces sujets car Lomborg reste dans certains cas interventionniste et nous savons bien que l’aide aux pays en développement notamment est un échec flagrant.

Bjørn Lomborg reconnaît pourtant la valeur de l’économie de marché :
« Nous nous sommes enrichis avant tout parce que les fondements de notre société reposent sur une économie de marché et non à cause de notre inquiétude » écrit-il page 616.
De la même façon il voit juste lorqu’il explique que les « biens collectifs » sont forcément gaspillés (page 190 à propos de la pêche et page 199 à propos de la forêt tropicale).
Il était sans doute déjà difficile de récuser toutes les croyances obscurantistes que propagent les écologistes, si en plus Lomborg s’était déclaré franchement libéral...

Pour en revenir au sujet, il est clair que les environnementalistes utilisent le réchauffement climatique et toutes les peurs concernant l’environnement pour tenter d’imposer un projet politique fait de repli sur de petites communautés semi-autonomes et sur l’arrêt ou du moins le ralentissement du progrès scientifique et technique. Pour vendre ce projet dont peu de gens voudraient spontanément, rien de tel que des campagnes répétées de désinformation visant à faire croire que tout va de plus en plus mal et que l’apocalypse est pour bientôt. Rien d’étonnant si les politiques et autres hommes de l’Etat suivent le mouvement, voire le précèdent. On leur remet une idéologie interventionniste et pro-étatiste clef en main, il aurait été bien étonnant qu’ils ne s’en servent pas.
Deux indices intéressants : les scénarios du GIEC ne tiennent pas compte des réductions d’émission des gaz à effet de serre ayant déjà eu lieu ou engagées à la suite de traités (page 449) et ces mêmes scénarios ne tiennent pas compte non plus de l’aspect économique du réchauffement climatique, ils doivent se borner à étudier la meilleure manière d’éviter les rejets de gaz à effet de serre (page 502).

Un mot pour terminer sur le chapitre 22 consacré à la crainte des produits chimiques. Dans ce remarquable chapitre, Bjørn Lomborg démontre avec brio combien ces produits sont nécessaires, utiles et inoffensifs.

Sylvain Gay, à qui j' adresse de nouveau tous mes remerciements.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Attention !!!
A l'auteur, aux lecteurs de ce site (qui est très beau, mais dangereux à mon avis) :
"L'Ecologiste Sceptique" est truffé d'escroqueries, en dépit des belles intentions notées en première page.
Je renvoie le lecteur au site http://www.lomborg-errors.dk/.

Contrairement à ce qui est affirmé dans le livre, Bjorn Lomborg ne cherche nullement à engager et participer à un débat. Son but n'est donc, selon moi, que commercial ou politique : endormir l'opinion dans l'idée qu'il peut continuer à consommer et travailler comme avant, ou quasi (même si de bonnes idées sont proposées : on s'interroge d'ailleurs pourquoi elles ne sont pas mises en oeuvre... comme si le système était grippé).

Pour ce qui est de l'énergie, j'encourage le lecteur à lire "Pétrole apocalypse", qui reprend bon nombre d'autres ouvrages, et fait une bonne synthèse des problèmes géologiques, énergétiques, économiques, géopolitiques autour du pétrole et de l'énergie. La fin du pétrole bon marché va bouleverser notre société.

Anonyme a dit…

Je viens d'arriver tout à fait par hasard sur votre site(que je trouve un peu trop dépouilllé mais bon...)et je suis étonnnée de voir ces deux termes rapprochés "écologie" et "libérale". Enfin plutôt le libéralisme écolo...et on sent bien que ce n'est pas du tout pareil..L'aspect politique est forcément mis en avant, et je trouve ça dommage...

Anonyme a dit…

Le commentaire de Sylvain est très intéressant. Une seule critique, il manque un lien amazon:
http://www.amazon.fr/gp/product/2749101840/

En même temps, comme il est déjà épuisé… Je me demande quel a été le tirage.

Anonyme a dit…

Il semble difficile de contredire 700 pages de commentaires d'études représentant plusieurs années de travail.

Et pourtant...

"Un mot pour terminer sur le chapitre 22 consacré à la crainte des produits chimiques. Dans ce remarquable chapitre, Bjørn Lomborg démontre avec brio combien ces produits sont nécessaires, utiles et inoffensifs."

Rien que ce genre d'affirmation me fait dresser les cheveux sur la tête...
Je repense à quelques arboriculteurs ou viticulteurs retraités que j'ai pu croiser: atteints de cancers dont la cause avérée est l'utilisation de certains produits phytosanitaires, ils n'auront pas bien le temps de profiter de leur retraite.

Faudrait voir ce qu'ils en pensent, eux?

Rien que ça me fait me poser la question suivante: quelle peut donc être la motivation d'un statisticien dans la rédaction d'une synthèse potentiellement aussi dérangeante?